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L'Orphelinat Rouge 1/5

Des centaines d'allées et venues s'effectuaient dans l'un des anciens débarras de l'école. Les élèves entraient pour demander une chose et une autre, puis ressortaient. Un petit groupe, de permanence, les écoutait et notait scrupuleusement sur les fiches les motifs de leurs visites.
Malheureusement, la pièce étant très exigüe et les mouvements s'en retouvaient ralentis. C'était au dernier étage du lycée que ces adolescents avaient pris position et avaient envahi la seule pièce mise à leur disposition. Mais pour eux ce n'était pas grave, car ils avaient enfin un coin pour eux. Il n'y avait pas de fenêtre car le débarras était dans le centre de l'établissement et les couloirs en faisait le tour.
Cela ne fait pas plus d'un mois que cette salle avait été ouverte et le travail était à la hausse.
Au fond de la salle, derrière un bureau sur lequel était posé un ordinateur portable, se tenait le chef du groupe. Lui-même ne se considérait pas comme étant le chef, mais tous les autres avaient voté et ils avaient décidé qu'il serait le chef et donc le responsable du groupe.
Sur la porte, une feuille scotchée à la dernière minute indiquait que l'agence des détectives était ouverte à toutes les pauses et cela du lundi au vendredi. Ensuite venait une liste hétéroclite des membres de cette agence. Nous pouvions y lire les noms de camarades de classe ayant des caratères aussi divers que variés.
Mickaël et Delphine, les deux plus extravertis du groupe, accueillant les visiteurs, posaient des questions pour connaître le fond des problèmes qu'ils venaient sousmettre à leurs camarades. De tempérament énergique, c'étaient eux qui embarquaient le reste du groupe dans des aventures et des lieux aussi mystérieux et dangereux les uns que les autres. Quelques-uns disaient même qu'ils sortaient ensemble, mais lorsqu'on leur demande, ils riaient à gorges déployée, comme si cette question n'était pas pertinente.
Juste derrière eux, jouant aux cartes comme à leur habitude, on pouvait voir les quatre autres membres affectés à la bonne marche de la petite entreprise.
Nous avions tout d'abord Benoît. Timide, c'était un garçon qui parle très peu, mais qui avait un sens de l'organisation hors du commun. Dans l'agence, il devait gérer les «preuves» récoltées lors des enquêtes, taper les rapports d'enquête et coordonner les tâches pour avoir un rendement maximum. Avec lui on ne savait jamais s'il perdait ou gagnait, car rien ne transparaisait de ses émotions, ce qui énervait beaucoup ses adversaires.
Les deux adversaires étaient Matthieu et Elodie. Le plus beau couple du lycée. Ils allaient tellement bien ensemble que parfois ils n'avaient pas besoin de finir leurs phrases pour que l'aute comprenne la fin. Tous les deux, ils s'étaient improvisés co-directeur et co-directrice de l'agence. Ils avaient présenté ensemble le projet au principal, qui leur avait permis d'obtenir cette pièce dès leur arrivée dans l'établissement. Cela n'avait pas été très difficile, car leur ancien proviseur, au collège, avait appuyé leur prestation.
Matthieu, toujours souriant, était un jeune garçon grand et filiforme. Certains de ses camarades le comparaient même à Stick Man, le célèbre homme fil de fer. Ce n'était pas le plus intelligent du groupe mais c'était toujours à lui que l'on demandait de parler pour faire entendre une voix timide. Il avait été élu délégué de classe à l'unanimité alors que trois autres concurrents s'étaient présentés contre lui. Eux-mêmes avaient voté pour lui.
Elodie aussi avait été élue déléguée. Mais cette année, elle n'était plus dans la classe de Matthieu, donc ses yeux prennaient une teinte triste lorsqu'elle devait se séparer de lui. Seulement, dès qu'ils se retrouvaient, ils parlaient, parlaient encore et encore. Ils ne s'arrêtaient pas. A chaque fois qu'elle jouait, elle n'arrêtait pas d'entortiller ses longs cheveux châtains lui arrivant au bas du dos. Ses lèvres souriaient à chaque fois qu'elle savait qu'elle allait arriver au but fixé. Mais avec Benoît comme adversaire, elle ne savait jamais sur quel pied danser, alors ses sourcils se faisaient plus sévères.
Dans la même équipe que Benoît, nous retrouvions Françoise. Ce n'était pas la mauvaise bougre, mais on pouvait dire que c'était la B.C.B.G. du groupe. Cependant sous ses faux airs de bourgeoise, elle avait un coeur en or. Ses parents possèdaient quatre hôtels en Méditerranée, six sur la côte Atlantique, deux au bord de la Manche et une petite dizaine disséminés dans toute la France.
Personne ne savait pourquoi elle faisait partie du groupe, mais elle donnait une note harmonieuse dans cet espace quelque peu minuscule. C'était elle, entre autres choses, qui avait décoré les murs, fourni le matériel pour travailler et obtenu les autorisations pour que l'agence obtienne ce que le principal aurait refusé sans le concours des riches parents de cette dernière.
C'étaient donc ces six personnes qui avaient décidé de nommer la septième, tapie derrière l'écran de l'ordinateur, chef. Il était évident que cette nomination était officieuse car pour tous les autres élèves, Matthieu et Elodie étaient les responsables. Mais sans lui, nous pourrions nous demander comment tournerait l'agence.
Ce n'était pas un génie, loin de là, mais sa capacité de raisonnement était hors du commun. A lui seul il avait su résoudre une affaire qui aurait pris des mois de recherche pour la police. C'était d'ailleurs lors de cette enquête que tous s'étaient connus. Et depuis, s’entraidant pour les révisions, ils s'étaient tous, sans exception, retrouvés dans le même lycée au début de l'année.
Au collège, ils avaient déjà créé une agence mais ils n'y étaient restés qu'un an et demi. Aujourd'hui, c'était au lycée que les exploits des sept adolescents se faisaient entendre.
Mais revenons au garçon tapant à toute vitesse sur le clavier pour rechercher un article. L'ayant trouvé, ses yeux lisaient un article avec une dextérité extraordinaire, un sourire se dessinant peu à peu sur ses lèvres.
L'article parlait d'une maison abandonnée que la municipalité avait décidé de détruire pour y construire un nouvel établissement de restauration rapide. Malheureusement, celle-ci avait été le théatre d'un véritable bain de sang huit années plus tôt. Depuis, les passants disaient que certaines nuits, des bruits et des lumières se faisaient entendre.
Le jeune homme était tellement hypnotisé par ce qu'il lisait qu'il entendait à peine la sonnerie du début des cours. Puis il lui sembla soudain que quelqu'un l'appellait.
- Cédric !
Il lèva la tête. Françoise lui criait aux oreilles, penchée au dessus de l'écran.
- Ah bah dis donc ! Ce doit être passionnant ? Je te signale que les cours reprennent !
- Ah ? Oui effectivement, répondit Cédric en s'apercevant qu'il ne restait plus que lui et Françoise. Désolé, mais ce que je lisais était tellement... Tellement...
- Tellement passionnant que tu ne peux aller en cours ?
- Non, j'ai pas dit ça.
- Bon alors je t'emmène sinon la prof de Maths va encore nous engueuler.
Ils sortirent de la pièce. Cédric ferma à clé et ranga celle-ci dans sa poche. Ils couraient dans les escaliers et entraient in extremis dans la salle juste avant que Madame Riemann ne ferma la porte.
Avant de s'asseoir, Françoise lui glissa à l'oreille qu'elle n'aurait pas dû demander à ses parents d'avoir une connexion internet pour leur club. Car il la mettait toujours dans des situations indignes à sa condition, mais qu’il fallait bien ça pour faire tourner l'agence.
Deux heures plus tard, Cédric remontait pour pouvoir lire la fin de l'article. Il laissa la porte grande ouverte et resta seul pendant que ses camarades mangaient tranquillement à la cantine. Il revenait sur la page web qu'il avait dû quitter plus tôt puis s'enfonca bien profondément dans son siège et scruta en direction du couloir car il savait qu'il était encore là.
Cela fait des semaines qu’il voyait une silhouette faire les cent pas devant la porte sans pour autant que son propriétaire enfin soit décidé à entrer. Alors chaque midi, il ne va pas manger et attend qu'il entre. Tout le monde croyait qu'il faisait un régime, et l'élève, dehors, croyait que Cédric était pris dans une affaire compliquée qui demandait toute son attention.
Alors pour forcer le destin, Cédric pris le téléphone et composa le numéro de Benoît, qui décrocha.
- Allô ?
- Benoît, c'est Cédric.
- Oui ? Tu veux me demander quelque chose d'urgent ?
- Bah oui sinon j'aurais attendu que tu reviennes tout à l'heure.
- Oui, c'est vrai. Que puis-je faire pour toi ?
- D'abord il ne faut pas que tu en parles aux autres pour l'instant. Il y a devant l'agence une personne qui n'ose pas rentrer pour demander de l'aide. Cela fait des semaines qu'elle ne veut pas entrer.
- Ah ? c'est donc pour ça que tu ne viens plus m...
- Oui mais ne dis rien !
- Ok... Tu veux que je fasse quoi ?
- Il faudrait que tu viennes discrètement, et que tu le forces à entrer.
- Oui mais tu veux que je vienne quand?
- Tout de suite... Tu n'as qu'à dire que tu n'as plus faim. Ou tu t'excuses car tu as mal au ventre. Enfin je sais pas moi... Trouve.
- Ok, je trouverai. J'arrive.
Benoît se lèva de table sans rien dire et emporta son plateau. Puis il sortit de la cantine sous les regards étonnés de ses compagnons. Arrivé dans les escaliers, il commença à ralentir, puis sur le palier du dernier étage, il regarda discrètement qui se trouvait dans le couloir.
Un jeune homme de Terminale tournait en rond, ne sachant que faire. Alors Benoît pénètra dans le couloir pendant que l'autre avait le dos tourné. Il s'approcha de lui, vit Cédric au fond de la pièce les attendant. Puis il posa une main sur l'épaule du lycéen, ce qui avait pour effet de le faire sursauter.
- T’inquiètes pas...
Dans le court silence qui suivit, ils entendirent une voix leur intimant d’entrer. Tous les deux.
Alors le peureux et le timide entrèrent.
- Bonjour Timothé. Je suis content de pouvoir te parler enfin.
- B... Bonjour.
- Assieds-toi ! Il y a une chaise à côté de moi.
Timothé s'approcha et pris la chaise que Cédric lui avait montré.
- Benoît ? Tu veux bien passer en mode cinq s'il te plaît ? Demanda-t-il lorsque qu'il eut l'attention de son camarade.
Benoît pris sur l'étagère un panneau qu'il accrocha à la poignée de la porte, qu'il ferma ensuite à clé, de l'intérieur.
Timothé se sentait de moins en moins à l'aise tandis que Benoît revenait s'intaller en face de Cédric. L'atmosphère se détendit dès que Cédric reprit la parole.
- Ne t'inquiète pas Timothé... Je sais pourquoi tu es là... D'ailleurs je commençai à avoir des doutes sur les raisons qui t'ont poussé à squatter devant l'agence depuis plus d'un mois. Enfin bref, tu es là et j'en suis heureux. Je vais tout d'abord te dire que l'agence accepte de travailler pour toi et ce sans préavis.
Benoît regarda Cédric bizarrement, et se demanda comment il sait ce que lui veut Timothé. Il n'était pas étonné de voir Cédric accepter une mission sans consulter les autres, mais savoir ce qu'on voulait lui demander... Il ne falait pas pousser quand même.
- Je veux que vous regardiez ceci.
Cédric tourna l'écran pour que les deux invités puissent lire l'article. Benoît lit le gros titre : «La maison qui hante la municipalité». Timothé quant à lui se tortillait déjà sur sa chaise, ne prononçant encore aucun mot.
- Je suis déjà passé devant il y a de cela une semaine, et cela m'a beaucoup intrigué. Je dois avouer que cette maison est attirante.
- Oui mais il se passe des trucs bizarres la nuit.
- Je sais. Mais il ne faut pas t'inquiéter, il n'y a rien de fantômatique là-dessous. Et je vais te le prouver. Benoît ?
- Oui, repondit-il.
- Je crois que les autres sont dehors à attendre. Tu veux bien leur ouvrir ?
Benoît se lèva pour aller ouvrir la porte. Dans le couloir, les cinq membres du groupe qui manquant, attendaient impatiemment d'entrer. Lorsque la porte s'ouvrit, Matthieu se précipita vers elle et regarda ce qui se passait à l'intérieur. Il vit Benoît ouvrant la porte et lui demanda tout bas ce qu'il se passait. Benoît lui expliqua rapidement la situation mais assez fort pour que les autres écoutent en même temps, afin de ne pas se répéter. Alors ils entrèrent tous, s'intallant en silence à leurs places et écoutèrent la suite. Pendant ce temps, Benoît avait refermé la porte en laissant la plaque sur la poignée.
Timothé parla calmement, les yeux vers le sol, vraisemblablement intimidé par la présence du groupe d'investigation au complet.
- Cela fait plusieurs mois qu'il se passe des choses la nuit que je n'arrive pas à m'expliquer. Au début, je n'y prêtais pas attention. De toute façon, je ne pouvais pas voir ce qui se passait car je me couchais bien avant que cela ne commence. Mais depuis que je me couche plus tard, je remarque des trucs bizarres. Comme des lumières de chandelles vacillantes, des fenêtres ouvertes, des volets qui claquent avec le vent alors qu'ils sont censés tous être attachés. Le plus bizarre, c'est quand il n'y a plus aucun bruit... c'était à ce moment-là que l'on peut entendre des cris. Pas des cris de chiens, ça je les aurais reconnus... J'ai un chien alors je sais à quoi ça ressemble. Et pourtant, je dirais que ces cris ne sont pas humains non plus... Alors je ne sais plus quoi en penser.
- Timothé ? Demanda Elodie. Je ne comprends pas tout. Pourquoi tu viens ?
- Il habite à côté de «l'orphelinat rouge», Elodie, répondit Cédric. Et de sa chambre, il voit le côté Est de l'orphelinat.
- L'orphelinat quoi ? Questionna Françoise.
- Rouge, enchaîna Mickaël. Je crois qu'il est considéré comme hanté...
- Hanté ? Coupa Delphine. Cool...
- Oui, parce qu'il y a eu des dizaines de morts et que depuis il est à l'abandon, reprit Mickaël. La police a d'ailleurs conclu à un assassinat de groupe suivi d'un suicide. Il me semble que c'était le directeur de l'établissement qui avait tué tous ces gosses. Enfin bon, depuis, il y a beaucoup de gens qui disent que les esprits des enfants parcourent encore les couloirs. Ils décrivent aussi des phénomènes comme Timothé vient de nous en énoncer.
Le silence se fît. Chacun réfléchit à une explication plausible de ces phénomènes. Mais aucun ne trouva. Benoît regarda Timothé, prostré sur sa chaise, et vit dans les yeux de Cédric un pétillement qu'il n'avait que rarement vu auparavent. Voilà qu'ils étaient embarqués dans une histoire de fantômes.
Puis Cédric reprit la parole, brisant ainsi les réflexions.
- Mes chers amis, nous irons ce soir à l'orphelinat. Timothé, si tu veux venir avec nous cela ne me dérange pas, proposa-t-il lorsque l'intéressé relèva la tête.
Timothé hocha la tête, se lèva et commença à partir.
- Nous viendrons te chercher chez toi vers dix-sept heures. Donc il serait préférable que tu sois prêt un peu avant.
Il lui fit un signe de tête et sortit, refermant la porte derrière lui.
Comme à son habitude, c'était Françoise qui prit la parole la première.
- Tu ne vas quand même pas nous faire croire qu'il y a des fantômes d'enfants dans cet orphelinat ? Tu ne t'imagines quand même pas que je vais te suivre dans une maison délabrée et abandonnée depuis plus de cinq ans ?
- Sept, précise Mickaël.
- Cool, réitèra Delphine. Et en plus on y va ce soir... Cool...
- Si tu ne veux pas venir je ne te force pas, tu sais, lui dit Cédric. Vous autres non plus, si vous ne voulez pas venir... Mais je sais très bien que toi, Françoise, tu es trop curieuse pour ne pas nous accompagner, car tu sais pertinemment qu'ils vont tous venir. Mais bon, si tu veux un motif pour y aller, je vais t'en donner trois. Tout d'abord, l'établissement est encore en très bon état. J'y suis passé la semaine dernière, et à part les hautes herbes qui l'entourent, il n'y a rien qui fasse peur, sauf si tu crains les fantômes et là je ne peux rien y faire. Deuxième point, nous y allons ce soir et avant huit heures pour des raisons simples. Je ne pourrai pas vous démontrer que ces phénomènes sont strictement humains si nous attendons trop tard dans la nuit. Et dernier point, je crois même que c'est le plus important, la police, comme l'a expliqué Mickaël, a conclu à un infanticide de groupe suivi d'un suicide. Mais je peux te dire tout de suite qu'elle s'est totalement trompée dans ses conlusions. Seulement pour comprendre ça, il faut connaître l'état dans lequel la police a retrouvé l'orphelinat. Et pour cela je vais avoir besoin de Benoît.
Benoît tourna le portable vers lui et commença ses recherches.
- J'ai lu les grandes lignes mais en gros, la police s'est plantée en beauté. Alors nous allons laisser Benoît faire son travail, et il nous exposera les faits ce soir, quand nous irons chez Timothé. Maintenant il ne nous reste plus qu'à aller en cours et attendre patiemment la dernière sonnerie.
Tout le monde écoutait attentivement Cédric, un large sourire aux lèvres, car ils avaient bien vu l'engouement qu'il avait à vouloir démêler cette affaire sordide.
La question ne se posait même plus, Françoise était de la partie. Les autres aussi d'ailleurs. Mais le plus dur pour eux serait d'attendre la fin des cours pour partir une fois de plus à l'aventure.
 
A suivre >>>|