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Prologue

La nuit était bien avancée lorsque la mise en scène commença. Aucune lumière n'éclairait ce lieu retiré du parc. A une dizaine de pas du chemin, les derniers passants, somnolents, ne pouvaient entendre le bruit rythmé d'un homme creusant la terre meuble. Cette fois-ci, le corps serait un peu plus visible que les autres fois, mais il arriverait un jour où le monde devrait découvrir ce qu'il avait fait. Ce devrait être la découverte la plus morbide mais la plus magnifique aussi.
Il creusait depuis un quart d'heure lorsqu'il fut interrompu par des rires d'adolescents, titubant en essayant de garder leur équilibre. Il cessa et attendit. De toute façon, la victime ne pouvait plus parler, alors il se fichait bien du temps que cela lui prendrait pour creuser. Il ne voulait surtout pas être arrêté aussi vite. Pas aujourd'hui, pas encore. Alors il fallait qu'il garde son calme. Il avait encore du travail à effectuer dans les jours à venir.
Cette attente fut de courte durée car les jeunes ivrognes repartirent aussi vite qu'ils étaient venus. L'un des garçons criait après la lumière d'un lampadaire car, selon lui, elle ne voulait pas le reconnaître en tant qu'être humain. Ce à quoi les autres répondirent par des rires qui emplirent l'air, faisant battre le coeur de l'ouvrier. Assez loin de lui, il sourit de ce contre-temps et reprit son travail. Il n'eut plus beaucoup d'efforts à effectuer car le trou devait avoir la taille désirée.
Il devait maintenant procéder aux derniers préparatifs. Il délaissa le cadavre pour retourner à sa voiture et emporter les derniers outils et matériaux lui permettant de rendre cette mort plus belle. Sur ses épaules, il transportait du ciment à prise rapide remplissant un sac à dos. Dans sa main droite, un lourd bidon de sept litres et demi rempli d'eau, et de l'autre une mallette aussi lourde que le bidon.
De retour à côté du corps, froid depuis bien longtemps, il vida le contenu du sac dans le trou d'un mètre sur un demi-mètre, d'une profondeur d'environ un mètre. Se retournant vers la victime, il ouvrit sa mallette, faisant apparaître les objets qui permettraient à la police de savoir que ce crime venait bien de lui et pas de quelqu'un d'autre.
Il déboutonna le cadavre, enleva tous ses vêtements et contempla son futur chef d'oeuvre. Il prit un bloc de ciment, qu'il avait préalablement formé dans une boîte de conserve en le retirant après la prise, et duquel sortait une tige de fer formant une boucle à son extrémité, et il le posa à côté du mort. Puis il sortit une grosse aiguille ainsi que du fil dentaire, encore un objet appartenant à sa signature. Après avoir passé le fil dans le chat de l'aiguille, il s'approcha soigneusement du pénis du cadavre et tira sur le prépuce pour offrir au petit pic métallique le maximum de chair.
Il ne cousit en aucune mesure le prépuce, mais il forma, telle de la broderie, un tube en fil, prolongeant ainsi la verge froide et vidée de son sang. Au bout de ce tube, il attacha le bloc de ciment avec un merveilleux noeud brodé autour du crochet de fer. Il sourit même de la perfection de son ouvrage, regarda le pauvre malheureux ayant croisé son chemin, pleura une ou deux minutes sur son sort et déplaça le corps au-dessus de la fosse, face vers le bas, laissant pendre le bloc de ciment, qui tirait ainsi sur le prépuce.
Il plaça les jambes bien droites, les genoux bien au bord du trou pour que le corps ne soit pas entraîné par son poids dans le trou creusé auparavant. Le haut du torse et la tête reposant de l'autre côté donnant au corps l’apparence d’une planche placée au dessus d’une fosse. Il écarta les bras du cadavre pour que ceux-ci ne tombent pas dans le ciment et se pencha vers le corps, creusa de ses mains sous le bloc pour dégager le plus de ciment possible sous le bloc, permettant à ce poids de tirer sur le prépuce et de l'entraîner le plus loin possible, ce qui permettait d'avoir une meilleure prise entre les deux blocs.
Tout s'étant déroulé sans le moindre problème, il versa doucement l'eau autour du corps. Le ciment l’absorba rapidement. Mais le bidon ne suffisait pas à faire prendre tout le ciment. Alors il retourna à la voiture chercher les deux autres bidons. Il se servit de la pelle pour bien mélanger la poudre grisâtre, en versant le reste d'eau des bidons.
A peine dix minutes plus tard, le ciment avait pris, recouvrant le petit bloc qu'il avait greffé. Il reprit la pelle en main et avec délicatesse, replaça la terre sous le cadavre, en prenant soin de ne pas le blesser postmortem. Il s'accroupit même pour tasser avec ses mains et ramener le reste de terre autour de la victime.
Avant de repartir, il nettoya le corps, retirant la terre se trouvant sur le dos de la victime. Avec un chiffon humide, il termina en frottant respectueusement l'ensemble du corps s'offrant à lui. Il ôta quelques traces de chlorophylle sur les épaules, deux taches de terre sur chaque fesse, les quelques feuilles mortes ayant élu domicile dans ses cheveux.
Il recula et regarda si ce mort donnait l'impression qu'il dormait. La terre au-dessous faisait croire qu'il reposait sur elle. Il tourna la tête sur le côté, et plaça les bras vers l'avant pour faire croire qu'il dormait sur ses mains. De loin, il paraissait véritablement dormir.
Alors le fossoyeur sourit et repartit vers sa voiture avec les bidons, la mallette, la pelle et le reste de son attirail. Il prit place au volant, tourna la clef de contact et passa la première. Les réverbères virent partir la voiture à bonne allure. Les passants ne soupçonnaient pas ce qui venait de se produire. Certains même, bras dessus, bras dessous, rêvassaient d'une nuit mouvementée sous les draps, d'autres ronchonnaient après leurs femmes qui avaient voulu un chien qu'ils devaient sortir tous les soirs.
A l'angle opposé du parc, un feu rouge passa au vert bien avant que le véhicule n'arrive à sa hauteur, laissant le champ libre à cet artiste pour qu'il revienne tranquillement chez lui.