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L'Orphelinat Rouge 3/5

Le vent secouait délicatement les herbes, qui viennaient fouetter les jambes de ces nouveaux intrus. Par moments, des volées d'oiseaux frôlaient les têtes pour repartir vers un endroit inconnu. Le soleil commençait à faire ses adieux, laissant derrière lui de longues traînées sombres. Les quelques nuages épars voguaient sur les flots célestes tandis que huit humains s'avançaient vers le bâtiment abandoné.
L'orphelinat offrait aux regards une teinte brune, sur laquelle couraient de petites fissures, accentuées par la position basse du soleil. Plus près de la porte d'entrée, Kangourou apercevait une chaîne, fermement scellée par un cadenas, enroulée entre les deux poignées de la porte, bloquant l'accès aux éventuels voleurs. Mais cette mesure n'était pas efficace car de petits malins avaient brisé les vitres, offrant une ouverture assez grande pour qu'un adulte puisse y passer.
Kangourou se retourna vers Aigle, qui lui fit signe de ne pas entrer. Alors le groupe longea le mur sur sa droite et pénétra dans un champ d'herbe, d'insectes et d'humidité.
Toujours en tête, Kangourou s'arrêta devant la fenêtre du directeur et scruta l'intérieur en s'agrippant aux barreaux ancrés autour de cette fenêtre. Ne peut-on vraiment sortir du bureau par cette fenêtre ? C'est ce que Kangourou voulait vérifier. Il essaya tant bien que mal de déchausser ces barres de fer en se tortillant comme un malade, sans y parvenir.
- Tu avais raison. Je ne crois pas que l'on puisse passer par là. Même maintenant, cela serait impossible.
Les autres membres passèrent leur tête pour ne voir qu'un fauteuil devant un bureau. Le reste des meubles avait disparu. Certains essayèrent de voir par terre, mais tout ce que l'on apercevait, c'était un sol très sombre. Le sol du couloir, visible par la porte ouverte du bureau, était aussi sombre. Se souvenant de la couleur des pavés dans le hall, Dauphin demanda si le sol avait été nettoyé ou si l'on n’avait pas pu enlever les traces de sang.
- Tu reposeras la question une fois à l'intérieur. Et tu me diras ce que tu en penses, répondit Aigle, amusé.
- Je suppose que c'est le côté Ouest, car Ephémère habite de l'autre côté, fit remarquer Lion.
Personne ne fit d'autres remarques et le groupe reprit son exploration. Arrivés au bout du bâtiment, ils virent enfin la basse-cour. Le poulailler et les cages, les portes encore grandes ouvertes. Les laisses des chiens traînant encore sur le sol, les gamelles remplies à ras bord d'eau de pluie.
- Vraiment... Ils auraient pu remettre de l'ordre dans tout ça, se plaignit Papillon.
- En fait, je crois bien que la police ne s'est même pas donnée la peine de venir ici, supposa Fourmi.
- Ah ? Et qu'est-ce qui te fait dire ça ? Questionna Aigle.
- Eh bien tout d'abord, il n'y a aucune marque au sol qui prouverait la venue de quelqu'un.
- Ceci n'est pas un bon argument. Et pourquoi ça ? Demanda Aigle en se tournant vers les autres.
- Bah... La pluie ? Proposa Colombe.
- La pluie ? Pourquoi la pluie ?
- Eh bien... Cela fait sept ans... Et pendant sept ans, il a dû pleuvoir beaucoup, faisant disparaître toute trace au sol.
- Oui, et sans oublier les passages d’enfants cherchant des sensations fortes. D'ailleurs, si vous faites attention, il y a un sachet de bonbons vide sur le sol. Donc ce n'est pas le bon argument pour prouver que la police n'est pas venue ici.
Kangourou se baissa pour ramasser l'emballage, le regarda attentivement, puis le tendit à Fourmi. Lui-même le regarda attentivement et poussa un long soupir.
- Comment j'ai pu manquer un truc pareil. En plus cela ne peut pas dater d'avant la tragédie.
- Hein? S'exclama Kangourou en arrachant le sachet des mains de son camarade. Comment tu peux savoir ça en regardant un simple bout de papier ?
- Bah c'est simple... Ces bonbons n'ont été mis en vente que récemment.
- Il y a deux ans, précisa Aigle.
- Ah... Ok... Je comprends mieux.
- Donc ce que j'ai dit est faux et ridicule.
- Non, Fourmi. Ridicule de par ton argumentation, mais pas faux. Qui peut me dire pourquoi ?
Le groupe se disloqua et parcourut la basse-cour, espérant découvrir un éventuel indice. Mais rien n'y fit, tous revinrent bredouilles. Cédric, de plus en plus amusé par cette enquête, s'approcha du poulailler et invita ses amis à regarder dedans.
Comme d'habitude, ce qui sautait aux yeux ne tilta pas dans l'esprit des six détectives de pacotille. L'Ephémère ne dit rien, comme on le lui avait demandé. Mais une chose le titillait depuis un moment. Alors il s'approcha de Lion et lui glissa à l'oreille qu'il n'y avait plus d'animaux depuis longtemps, et il lui demanda pourquoi les cages étaient encore pleines de paille, pourrie certes, mais présente quand même.
- Voilà qui prouve que la police n'est pas venue ici, confirma Aigle. Mais le plus important n'est pas de remarquer la présence du foin dans les cages, mais plutôt qu'aucun agent n'est venu chercher l'arme.
- L'arme ? S'interrogea Fourmi. Mais elle était sur le bureau du directeur ?
- Erreur ! Tu as oublié de lire un rapport d'autopsie.
- Euh...
Benoît vérifia le dossier qu'il avait imprimé avant de sortir du lycée et remarqua enfin l'absence d'un des rapports les plus importants de l'enquête.
- Oui, tu as raison. Il m'en manque un.
- Et il se trouve dans les papiers que je t'ai passés tout à l'heure.
Il prit les quelques feuilles que Cédric lui avait données, regarda celles du dessous et y découvrit, avec surprise, le fameux rapport d'autopsie du directeur. Il y était écrit que la balle extraite du crâne du directeur était du neuf millimètres.
- Tiens ? Il y a un problème !
- Quel problème ? Demanda Dauphin.
- Bah la balle dans le cerveau n'a pas pu être tirée avec l'arme retrouvée sur le bureau. Il se trouve, précisa Fourmi en cherchant dans son dossier, que l'arme est un .44 Magnum de calibre onze millimètres.
- Exact. Et maintenant, reprit l'Aigle en se tournant vers ses camarades, je vais vous dire pourquoi les policiers n'ont pas fouillé ici.
Ils écoutaient tous d'une oreille attentive.
- Le commissaire, pris dans une affaire horrible, n'a pas dû lire ce rapport. Enfin je crois plutôt qu'il n'est pas arrivé dans ses mains. Il faut dire que j'ai eu toutes les peines du monde à le trouver, ce rapport. Bref, ne sachant pas que la balle et le calibre ne concordaient pas, il ne s'est pas donné la peine de rechercher l'arme. Qui, soit dit en passant, n'est pas très loin d'ici.
Aussitôt, Kangourou fouilla dans la paille du poulailler, récupéra un oeuf, sûrement pourri depuis bien longtemps. Il passa aux cages à lapins et sentit un morceau de métal sous ses doigts. Après avoir sorti un mouchoir, il prit le revolver avec, pour faire comme dans les films. Il le tendit à l'Aigle qui expliqua qu'il s'agissait d'un Manurhin MR73, neuf millimètres. De plus, il fit remarquer que l'arme avait dû séjourner un moment dans du sang, car le côté droit de l'arme portait du sang séché.
Ce fut donc à ce moment que tous comprirent pourquoi le directeur n'était pas derrière ces morts. Car il était évident qu'après s’être pris le projectile dans cette partie de son corps, il lui aurait été impossible de cacher l'arme ici.
- Il n'y a pas que ça qui indique que le directeur n'a rien fait.
- Ah bon ? Moi je ne vois pas ce que l'arme pourrait nous dire de plus, remarqua Papillon.
- Eh bien ma chère, il faut d'abord essayer de déterminer comment s'est déroulée la mort de ce cher directeur pour comprendre ce qui s'est passé.
- Donc... Tu veux dire que tu sais qui a fait le coup ? Demanda Dauphin.
- En fait, je ne suis pas encore sûr. Il faut entrer pour le savoir. Et le problème c'est que je ne sais pas s'ils les ont pris, finit-il par murmurer alors qu'il se dirigeait déjà vers la cour centrale en passant par l'arche.
Au milieu, l'arbre qui n'était plus entretenu avait brisé une fenêtre à cause d'une branche trop longue. Si Mickaël était monté dans l'arbre, il ne lui aurait pas été difficile de pénétrer dans l'établissement par le couloir Ouest du deuxième étage. Mais cela fut inutile car la porte du bureau du sous-directeur avait déjà été fracturée. Autour, l'herbe n'était pas moins haute qu'à l'extérieur du bâtiment. La seule différence résidait dans le fait que le sol était recouvert de galets, éparpillés autour de l'arbre, donnant à ce lieu un style japonnais, entre lesquels la végétation reprenait ses droits. Françoise fit remarquer qu'entretenue, cette cour devait avoir son charme.
Sur les tuiles couvrant l'entrée du bureau, la mousse aussi avait reconquéri son territoire. De l'aute côté, les enquêteurs pouvaient enfin voir le couloir où le sang avait coulé. Ils pouvaient voir très clairement la limite de la vieille mare de sang. Apparemment, des personnes avaient essayé de faire partir le sang, sans grand succès.
- Bon, annonça Aigle. Nous allons pouvoir entrer.
- Il est pas trop tôt, rétorqua Lion.
- Nous allons entrer par ce bureau, nous ferons le tour du couloir jusqu'à chez la comptable, et explorer tous ces lieux un par un pour trouver des indices. Cela vous va ?
- Oui, répondit Colombe, voyant ses collègues hocher la tête.
- Je vous prierai, comme d'habitude, de ne pas déranger trop de choses, et de remettre tout en place.
Ce fut donc Cédric, puis Matthieu, Mickaël et Elodie, qui pénétrèrent dans la pièce les premiers. A cette heure de la journée, la pièce était très sombre, car le soleil frappait la face opposée de l’orphelinat. Mais dans l'obscurité, les trois compères, assistés du chef, inspectèrent l'espace clos.
La découverte, ou devrais-je dire, l'absence totale de saleté mit mal à l'aise ces détectives en herbe. Car cela voulait dire qu'une personne venait encore faire le ménage dans cette pièce. Un frisson parcourut les autres lorsqu'ils pénétrèrent.
- Seigneur, s'eclama Dauphin. On se croirait chez moi tellement c'est propre.
- Oui, c'est plutôt nickel, comme tu dis, enchérit Aigle.
- Mais il doit y avoir quelqu'un pour nettoyer tout ça ?
- C'est ce qui me conforte dans mon hypothèse de départ.
- Qui est ? Demanda Kangourou.
- Qu'il y a encore quelqu'un qui habite ici, répondit Fourmi.
- Bien vu, félicita Aigle. Mais le plus gros problème n'est pas de savoir qui habite ici. Car pour ça, j'ai mon idée sur la question. Non, le plus important est de savoir où ils sont.
- «Sont» ? Tu veux dire qu'ils sont plusieurs ? S'étonna Fourmi.
- Je dirais même trois. Mais il faut continuer à chercher. Sinon pouvez-vous me dire ce que nous révèle cette pièce ?
Arrivait enfin la question favorite de Cédric. Cette question permettait au groupe de réfléchir sur ce qu'ils voyaient. Mais ils savaient tous que l'important n'était pas ce qui sautait aux yeux, comme le cadre accroché en biais sur le mur, ou la photo du sous-directeur avec sa fille renversée sur le sol dans un coin de la pièce, le verre brisé. Non, ce qu’il fallait voir, c'était ce qu'il manquait. Ou ce qui ne collait pas, comme par exemple, cette chaise de bureau, bien trop loin dudit bureau. Ou encore la proximité du bureau par rapport au meuble le long du mur. Car le bureau était bien trop près.
Ceci indiquait clairement que le bureau avait été déplacé exprès près de la cour, et positionné dans ce sens pour une raison bien précise, qui échappait encore aux six cerveaux en ébullition.
Cédric partit en direction du couloir, suivi par ses camarades encore en train de réfléchir. Ils savaient pertinemment que Cédric ne reprendrait pas la parole puisqu'il avait fourni tous les éléments susceptibles de faire comprendre les tenants et aboutissants de toute l'affaire. C'était d'ailleurs toujours après cette question qu'il entrait dans une sorte de bulle. Il parlait tout seul. Avançait sans trop savoir où il allait. Enfin c'était ce que l'on croyait lorsqu'on le voyait déambuler.
Cela signifiait aussi qu'ils avaient quartier libre. Quartier libre, c'était se déplacer au moins par deux, et ne pas se lancer dans une investigation dangereuse. Encore une règle que Cédric avait imposée. Il n'y avait que lui qui pouvait vagabonder seul. Mais par principe, un ou deux autres membres restaient avec lui pour l'aider en cas de problème.
Ce soir, c'était au tour d'Elodie et de Mickaël de le suivre. Les deux autres groupes étaient constitués de Françoise et Delphine, ainsi que de Benoît et Matthieu. C'était d'ailleurs avec ces derniers que Timothé allait explorer l'orphelinat.
Delphine entraîna Françoise vers le bureau du directeur pour inspecter plus précisément la marque de sang. Le sol sentait encore la javel utilisée pour tenter de nettoyer le sang, et des marques circulaires prouvaient le frottement d'une brosse sur le sol.
- Au bout de combien de temps la police est arrivée ? Demanda Dauphin.
- Je crois que c’était au bout d'une semaine.
- Alors pas étonnant qu'ils aient eu du mal à enlever les dernières traces.
Au fond du couloir, dans la pièce de maintenance, Elodie demanda si ça sentait fort la javel. Françoise lui répondit que ça empestait. Ce qui prouvait que quelqu'un essayait régulièrement de nettoyer le sol, et qu'il le nettoyait encore.
- D'ailleurs les produits sont encore dans la remise, cria Mickaël.
Cédric, agenouillé, scrutait avec attention le sol. Cherchant vraisemblablement une chose qui n’était pas présente dans la pièce. Il y avait encore le contour du corps que la police avait tracé après sa découverte. Cédric se leva et fit un inventaire des étagères.
Dans la pièce d'à côté, Benoît fouillait le bureau de la secrétaire, sans rien trouver d’intéressant. Mais dans les classeurs, il trouva les dossiers de tous les enfants mais aussi de tous les employés. Il prit tous les dossiers, les posa sur le bureau, s’assit derrière et commença une longue lecture. Timothé et Matthieu cherchèrent eux aussi des chaises pour se partager la lecture. Benoît sortit une feuille de son dossier et commença son filtrage.
- Vous mettez les dossiers des enfants dont les noms sont inscrits sur cette feuille ici, les dossiers correspondant à ceux qui n'étaient pas présents lors du drame là, et le reste ici.
Seuls les bruits des dossiers s'ouvrant et se refermant se faisaient à présent entendre.
En sortant du local de maintenance, Cédric passa la tête dans le bureau de la secrétaire pour vérifier quelque chose, puis partit vers la scène du carnage bestial. Déjà présentes dans la pièce, Delphine et Françoise se mirent de côté pour voir leur «Mentor» à l'oeuvre.
Cédric prit d'abord position dans un coin de la pièce. Derrière le mur, les toilettes grondaient. La tuyauterie ne devait pas être en très bon état, cela expliquait le bruit résonnant dans l'orphelinat. Mais le plus curieux pour Dauphin et Papillon, ainsi que pour Kangourou et Colombe qui étaient arrivés eux aussi, était le sourire qu'affichait Aigle sur son visage. Il se pencha au milieu de la pièce, puis effleura d'une main le sol jusqu'à un endroit précis.
Doucement, il rampa vers la sortie, et s'arrêta à la limite de l'ancienne mare de sang encore visible, allant vers le bureau de la comptable. Il leva la tête, regarda en direction du premier étage, de l'autre côté de la cour. Il se releva brusquement, courut vers les escaliers adjacents au bureau de la comptable, et gravit les cinq étages en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire : «Ouf !».
Kangourou ne l'ayant pas perdu d'une semelle fut rejoint par une Elodie essouflée. Cédric riait de la façon qui annonçait le dénouement. Peu de temps après, les autres compères, intrigués par la course poursuite dans la cage d'escalier ayant fait pas mal de boucan, arrivèrent eux aussi au cinquième étage.
Cédric se tenait devant une des fenêtres donnant sur la cour centrale, et riait de plus en plus fort. Derrière lui, ses amis étaient entrés pour voir les marques laissées au sol par les agents de police pour déterminer les positions exactes des corps.
Cédric se tourna vers Timothé, et lui demanda :
- Les silhouettes que tu voyais derrière les volets ouverts... C'était à quels étages ?
- Euh... Le premier et le troisième, il me semble.
- Premier et troisième, se dit-il. Bien, descendons chercher ce qui pourra prouver que j'ai raison.
- Pas la peine... Tout est là ! L'arrêta Fourmi.
Benoît lui tendit trois des dossiers qu'il avait sélectionnés dans la montagne qu'il avait extraite des classeurs de rangement. Les trois dossiers les plus importants.
Cédric les ouvrit un par un, lisant attentivement chaque ligne comme si elle recelait un mystère bien plus grand que la pierre de Rosette. Puis il tendit un des dossiers à Fourmi qui le lut le plus rapidement possible, voyant que ses camarades attendaient avec impatience le résultat de leur découverte.
Ne lui donnant pas le temps d'expliquer ce qu'il venait de lire sur les feuilles, Cédric lui tendit les deux autres dossiers en lui disant de n’en lire que la fin. Ce qu'il fit en omettant tout le reste.
- Bien, descendons de quatre étages. Et je vais vous expliquer ce qui s'est passé et qui a organisé toute cette... Comment dire... cette mise en scène plutôt amusante.
En descendant les escaliers menant au hall d'entrée, Benoît expliqua à ses amis que les trois dossiers qu'il avait entre les mains étaient les dossiers des trois enfants n'ayant pas été retrouvés.
- La police avait déduit qu'ils avaient fugué, mais en lisant l'un des dossiers plus attentivement, il était impossible pour l'un d'entre eux de fuguer.
- Et pourquoi un enfant, orphelin de surcroît, n'aurait jamais envie de fuguer ? S'interrogea Lion.
- Tout simplement parce que celui-ci est atteint d'autisme.
- Autisme ? S'exclama Papillon.
- Oui. Il lui est donc psychologiquement impossible de sortir de l'orphelinat. Mais le plus étrange, c'est que dans son dossier il est écrit que sa forme d'autisme est très rare, il ne supporte pas d'être dans une pièce mal rangée, prononça-t-il en réfléchissant. Alors c'est lui qui...
- Oui, le coupa Aigle. C'est lui.
- En ce qui concerne les deux autres dossiers, ce sont des cas d'enfants violents. Car les deux dernières lignes de chacun des dossiers comprennent les mêmes mots, c'est-à-dire : «Dispute physique avec », Jean pour l'un, et Xavier pour l'autre. Chacun étant le nom inscrit sur le second dossier portant ces mentions. J'en déduis que ces deux-là ont dû être punis pour ce qu'ils ont fait ?
- Oui... Et de la pire façon qu'il soit.
Arrivant au premier étage, Cédric se retourna et demanda le silence.
Au bout de quelques minutes un bruit se fit entendre. Le son provenait visiblement des cuisines. Certains eurent l'impression que quelqu'un faisait la cuisine. Ce qui était probablement le cas. Puis Cédric tendit le bras en direction de Benoît, qui lui donna les dossiers. Il relut le dossier de Simon, l'autiste, et pria ses camarades de bien vouloir l'attendre là où ils étaient.
Il posa les dossiers sur le sol sans faire de bruit, et s'avança doucement pour venir s'asseoir juste devant les portes de la cuisine. Derrière celles-ci, le bruit ne s'était toujours pas arrêté. Ce fut alors que Cédric siffla une mélodie. Lentement et murmurant tout d'abord, puis de plus en plus fort et précis dans ses notes.
A l'autre bout de la pièce, le dossier de Simon passait de main en main. Les yeux acérés déchiffraient les lignes inscrites. Il y était dit que Simon communiquait avec de rares personnes, mais que la mélodie de la neuvième symphonie de Beethoven aidait pour le mettre en confiance.
D'ailleurs, c’était bien cette symphonie dont Cédric essayait tant bien que mal de se rappeler les partitions. Le bruit dans la cuisine s'était tu. A la place, ils pouvaient entendre fredonner quelqu'un, suivant les mêmes notes que leur ami. Puis le battant s'ouvrit, laissant passer un jeune garçon.
Cédric s'arrêta, le regardant avec le sourire aux lèvres. Il l'invita à s'asseoir près de lui, ce que le garçon fit. Les sept personnes l'ayant accompagné dans l'orphelinat avaient passé leurs têtes par-delà le mur et étaient abasourdis par cette scène vraiment étrange.
Tendant l'oreille, ils purent entendre la conversation qui était encore plus étrange.
 

-oO A suivre Oo-